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Une laïcité qui aplatit

On n’est jamais déçu avec La libre pensée. Cette association, qui « vise à développer chez tous les hommes l’esprit de libre examen et de tolérance », ne trouve rien de mieux que de protester, au nom de la laïcité, contre le fait d’attribuer à un collège public de Toulouse le nom du cardinal Saliège. Saliège, l’évêque qui a publiquement protesté en 1942 contre les convois de juifs en zone libre, puis, grâce aux réseaux d’Église, a permis ensuite de les protéger. Pire, aux yeux de La libre pensée, le collège a été inauguré il y a quelques semaines par le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye.

La libre pensée commence par s’abriter derrière des arguments historiques grotesques, mettant sur le même pied le cardinal Saliège et Himmler, prétendant que le cardinal n’avait protégé les juifs que pour les convertir au catholicisme. Ce qui est assez mal connaître la pensée de cet homme qui défilait dès 1938 aux côtés du rabbin de Toulouse contre la Nuit de cristal et, ensuite, durant la Seconde Guerre mondiale, mettait en garde les religieux contre la tentation de la conversion…

La libre pensée reproche aussi au cardinal Saliège son soutien au maréchal Pétain en 1940, ce qui est vrai. C’était d’ailleurs le cas d’à peu près toute la France, sauf d’un général à Londres, effectivement. Personne ne peut prétendre que Saliège, l’un des premiers Français reconnus Juste parmi les nations, était « parfait ». Un homme parfait, ça n’existe pas. En revanche, les enfants juifs qui ont pu échapper à l’extermination grâce aux réseaux du cardinal savaient sans doute, eux, ce qu’est un héros…

Qu’est-ce qui gêne La libre pensée dans cette affaire sur le fond ? À lire son communiqué, c’est que la fameuse protestation de Saliège, en 1942, soit une « lettre pastorale ». Or, afficher une « lettre pastorale » dans un collège public est « en contradiction avec le caractère de neutralité de toute l’école publique ». Cette lettre pastorale, c’est son « péché original » : la preuve qu’une personnalité religieuse peut contribuer au bien commun de la société. Que l’on peut porter des habits religieux – une photo d’un homme en soutane dans un collège public ! – et agir positivement pour la République.

On peut en rire : on ne va tout de même pas mettre une photo d’un cardinal en habit de cosmonaute pour respecter la loi de 1905 ! Mais cette volonté d’éradiquer tout ce que les religions peuvent apporter à la société est inquiétante, d’autant qu’elle est de plus en plus partagée. Voilà des jeunes à qui l’on refuse d’enseigner une partie de l’histoire de leurs pays, simplement parce que cette histoire a un rapport avec la religion. Mais veut-on en faire des citoyens ou des futurs décérébrés ? Olivier Roy, dans son dernier essai, examine combien cette coupure que l’on est en train d’effectuer avec ce qu’il appelle « notre culture profonde » tire vers « l’aplatissement » de nos représentations du monde (1)…

Laïcité : port de vêtements dits « islamiques » à l’école, le respect de la loi en question

Certes, le religieux devient compliqué à traiter pour les enseignants. La multiplication, dans certains collèges, des tenues musulmanes portées de manière agressive par des jeunes pour marquer leur coupure avec notre société est préoccupante. Mais justement. Doit-on se résoudre à voir le religieux instrumentalisé par une forme « d’individualisme d’enfermement », pour reprendre l’expression de Didier Leschi (2) ? Ou au contraire montrer comment l’habit – et la vocation religieuse – peut aussi être une ouverture. Ouverture à celui qui n’a pas la même religion. À celui qui est discriminé. En danger de mort. N’est-ce pas l’occasion de montrer que l’on peut être citoyen de la République et homme de foi ?

CET ARTICLE A ETE COPIE SUR www.la-croix.com

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