Travailler plus longtemps pour protéger les retraités actuels et futurs

Réformer notre système de retraite est toujours un sujet inflammable dans notre pays, tant ce système par répartition constitue l’une des pierres angulaires de notre modèle social. Construit sur l’engagement de la solidarité intergénérationnelle et de la promesse d’avoir une retraite digne et durable après une vie de travail, il est toujours une source de vigilance majeure des Français. Ces acquis républicains, nous devons les garantir dans la réforme qui sera débattue durant les prochaines semaines.

Aujourd’hui, cette réforme est nécessaire et urgente. Nécessaire, d’abord, car le déficit de l’ensemble de nos régimes de retraite met en danger l’avenir de notre système. Le nombre de cotisants par rapport aux retraités était de 2,1 en 2002 quand il est aujourd’hui de 1,7 et qu’il sera de 1,5 en 2050 si nous ne prenons aucune mesure. C’est ensuite une urgence, car décaler la réforme la ferait peser plus fortement sur les générations futures. Il est donc de notre responsabilité collective de ramener notre système de retraite à l’équilibre budgétaire dans les prochaines années, seul moyen de garantir durablement la retraite de chacun et le niveau des pensions.

Si nous attendons, les ajustements paramétriques à faire seront encore plus importants. Après la politique du « quoi qu’il en coûte » que nous avons menée ces deux dernières années pour protéger nos concitoyens, nos services publics et nos entreprises, nous devons aujourd’hui assumer clairement de maîtriser davantage nos dépenses publiques et sociales. C’est pourquoi le gouvernement propose, en responsabilité, un relèvement de l’âge légal à 64 ans de manière progressive à compter du 1er septembre 2023.

Nous nous devons de tenir ce discours de vérité sur les raisons et les objectifs de cette réforme particulièrement importante. C’est ce que nous avons fait pendant la campagne présidentielle et celle des législatives en 2022. Il s’agit bien d’un effort demandé à chacun, celui de travailler plus longtemps tout au long de la vie afin de protéger les retraités actuels et futurs. Chaque euro supplémentaire cotisé contribuera uniquement au financement de notre système de retraite. Bien entendu, cette réforme s’accompagne de plusieurs mesures ambitieuses qui visent à réduire les injustices de la vie, à mieux prendre en compte les conséquences de la pénibilité ou des carrières hachées, à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes. Ainsi, nous revaloriserons à hauteur de 1 200 € brut le niveau de la pension minimale de retraite, nous prendrons mieux en compte la pénibilité dans la reconnaissance des départs anticipés pour raisons de santé et nous renforcerons et adapterons le dispositif des carrières longues.

Nous souhaitons également renforcer les dispositifs de cumul emploi-retraite, reconnaître les périodes d’apprentissage, mettre en place un index sur l’emploi des seniors dans les entreprises de plus de 1 000 salariés (300 d’ici à 2024), renforcer la prévention avec la création d’un fonds d’investissement dédié à l’usure professionnelle et valoriser les reconversions, notamment dans la fonction publique. Pour finir, l’investissement des proches aidants sera reconnu et les congés parentaux désormais pris en compte.

Contrairement au projet de loi avorté de 2020, visant à créer un système universel, cette réforme présente l’avantage d’être mieux comprise, puisque les critères modifiés sont connus de tous.

Elle présente aussi l’avantage d’une mise en œuvre rapide et donne une lisibilité crédible pour un retour à l’équilibre de notre système de retraite à l’horizon 2030. Elle coche plusieurs cases importantes mais elle n’en demeure pas moins une réforme paramétrique. Et contrairement à la précédente, elle ne permettra pas de répondre à certains sujets.

Cette nouvelle réforme ne résoudra pas le déficit de lisibilité de notre système de retraite, dans lequel les régimes spéciaux continueront à coexister, et dans lequel le phénomène des polypensionnés est source d’injustice, alors que 32 % des assurés ne perçoivent pas l’intégralité de leurs droits à la retraite. Un système dont les paramètres ne s’adaptent pas automatiquement à la conjoncture et aux évolutions démographiques, ce qui nous contraint à faire régulièrement des réformes difficiles. Un système qui fonctionne avec un régime général et un régime complémentaire dont les paramètres ne sont pas les mêmes. Un système qui demeure une source de tension, et non de dialogue, entre pouvoir politique et partenaires sociaux.

Ces sujets, nous devrons aussi y apporter des réponses dans les années à venir, après cette réforme, afin de construire un système universel de retraite qui serait davantage lisible, durablement équilibré budgétairement, plus juste socialement et qui prenne mieux en compte les inégalités que subissent les femmes.

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