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Pollution dramatique en Thaïlande : « C’est comme du poison »

Il y a quelques jours, Nott s’est réveillé avec un mal de tête insupportable. Des picotements titillaient ses narines, « comme du poison », alors qu’un nuage de poussière atmosphérique fondait sur Mae Sai, ville thaïlandaise à la frontière de la Birmanie et proche du Laos, dans le nord du pays. Le quadragénaire a donc filé à l’hôpital. C’est sur le chemin qu’il a vu le ciel se métamorphoser. Depuis, un brouillard opaque jaunâtre, digne d’un film apocalyptique, a envahi la municipalité de 27 000 habitants et toute la province de Chiang Rai. « Je n’avais jamais rien vu de tel auparavant », décrit Nott, sous le choc.

La même semaine, l’imposant temple Huay Pla Kang, qui surplombe la ville de Chiang Rai, était difficilement perceptible, englouti du jour au lendemain par le smog : lundi 27 mars, la province a enregistré des niveaux de pollution affolants. Le seuil de prévention du taux de particules fines PM2,5 – dont l’exposition favorise le risque de contracter cancers, maladies cardiovasculaires et respiratoires –, fixé par l’OMS, s’établit à 15 μg/m3. Or, ce jour-là, les districts de Chiang Rai affichaient des taux variant de 37 à 550 μg/m3, selon les autorités. En tête, celui de Mae Sai, dépassant parfois les 700 μg/m3, soit près de 50 fois plus que les préconisations de l’OMS.

Des milliers de résidents de la province ont été hospitalisés pour des problèmes respiratoires. Les médecins ont constaté chez Nott une tension artérielle élevée. Autour de lui, des proches ont des maux de gorge, les yeux irrités. Quand Munkaew a vu son fils de 5 ans saigner du nez, elle a préféré décamper de Mae Sai. Direction le sud. Malgré les 9 purificateurs d’air chez elle, impossible de parvenir à un taux décent de PM2,5, relate cette mère de 30 ans, depuis Phuket. « Tout le monde devrait avoir le droit de respirer un air sain. » Elle en veut au gouvernement, dont « la réponse – encourager le port du masque N95, éviter les activités en plein air, et pulvériser de l’eau en extérieur via des canons – ne suffit pas ».

Le gouvernement ne fait rien

D’autres peinent à se procurer des masques. Sans parler d’un purificateur, dont le prix avoisine le salaire mensuel des plus modestes, 332 bahts (moins de 9 €) par jour. Chaque année, de janvier à mars, lorsque les cultures saisonnières brûlées, couplées aux conditions météorologiques (sécheresse, chaleur) aggravent la pollution, la plupart des gens sont confrontés à un dilemme, explique Nott : « Rester chez soi et s’enfoncer dans la pauvreté, ou sortir au péril de sa santé. »

Des centaines d’habitants excédés ont manifesté en début de semaine à Mae Sai pour réclamer des mesures d’urgence. Sur leurs pancartes, « Sauvez Mae Sai », « Stop aux incendies ». La semaine passée, 5 572 foyers d’incendie ont été recensés à travers le royaume. Les fumées toxiques proviennent principalement des feux de forêt, en Thaïlande et dans les pays voisins, arguent les autorités, qui ont annoncé vouloir coopérer avec l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) pour lutter contre la pollution transfrontalière. En revanche, elles refusent de décréter l’État d’urgence à Mae Sai, ce qui permettrait de débloquer des ressources.

« Quand il s’agit de toucher aux grandes entreprises, c’est silence radio »

Chaiyon Srisamoot, le maire de la ville, se sent abandonné. « La situation n’est-elle pas assez critique ? », s’interroge-t-il, entre ironie et amertume. L’édile évoque les entreprises d’agro-business thaïlandaises qui produisent massivement du maïs auprès des petits exploitants au Laos ou en Birmanie (État Shan) : « À la fin des récoltes, ils brûlent tout. »

« Celles qui font leur business sur le dos de notre santé doivent payer », tranche le cardiologue Rungsrit Kanjanavanit, professeur à l’université de Chiang Mai, deuxième ville du pays (Nord-Est) qui, ce 30 mars, est à nouveau la plus polluée de la planète. « Je ne vois aucune volonté politique de s’attaquer au vrai problème. Quand il s’agit de toucher aux grandes entreprises, c’est silence radio. »

La quasi totalité de la population mondiale soumise à un air trop pollué

92 % de la population mondiale respire un air trop pollué par les particules fines, selon l’OMS.

Dans certains endroits, les taux atteignent dix fois les valeurs maximales recommandées. Sept millions de personnes décèdent chaque année en raison de l’exposition à l’air ambiant.

En 2022, les dix villes les plus polluées au monde étaient Lahore et Peshawar (Pakistan), Hotan (Chine), Bhiwadi, Delhi, Darbhanga, Asopur, New Delhi, Patna (Inde), N’Djamena (Tchad).

La pollution de l’air émane essentiellement du transport routier, de la production d’énergie, de l’industrie, des ménages…

CET ARTICLE A ETE COPIE SUR www.la-croix.com

Written by Mark Antoine

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