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La SNCF mise sur des trains propres et innovants pour sauver les petites lignes

En 2018, le rapport Spinetta recommandait de fermer massivement les petites lignes, vues comme des gouffres financiers. Cinq ans plus tard, différents acteurs du ferroviaire pensent détenir la clé de leur sauvetage, voire de leur relance : des matériels roulants plus propres et mieux dimensionnés, donc plus légers, offrant une souplesse d’utilisation, grâce à une signalisation et des aiguillages modernisés.

« Une révolution », promet François Agoyer, directeur du programme d’innovation technologique à la SNCF. La compagnie entend mettre en service, entre 2026 et 2029, un « train léger innovant » d’une capacité de 80 places assises et qui, selon le choix des régions, sera électrique ou hybride (à hydrogène, mais pouvant utiliser l’électricité des caténaires).

« Deux fois plus léger que les TER, il sera doté d’une liaison au sol novatrice lui permettant de rouler en maintenant le confort des passagers, quel que soit l’état de la voie », assure-t-il. Ce train pourra desservir les métropoles régionales en empruntant le réseau principal.

Le tramway des campagnes

La SNCF développe également deux projets de trains « très légers ». Attendu pour 2027, Draisy est destiné aux dessertes locales ou lignes à faible trafic, que les régions, autorités organisatrices, peuvent désormais décider d’exploiter elles-mêmes. Réunissant la cabine de conduite et un espace voyageur de 30 places assises, cet autotrain pourra relier un territoire enclavé à une gare du réseau principal, en empruntant une voie dédiée.

Le système de sécurité sera similaire à celui des tramways, moins contraignant que pour des trains classiques, qui ont besoin de longues distances pour s’arrêter (plus de 3 km pour un TGV lancé à 320 km/h).

Idem pour Flexy, promis pour 2026. Conçue pour faciliter d’éventuelles réouvertures de ligne, cette navette de 14 places pourra quitter les rails aux passages à niveau, afin d’emprunter le réseau routier et proposer du transport à la demande. « Le conducteur effectuera une tournée sur les communes avoisinantes pour prendre des passagers, puis rejoindra la voie », s’enthousiasme François Agoyer.

Arnaud Montebourg veut faire rouler des voitures sur les rails

Encouragés eux aussi par l’État, dans le cadre des investissements d’avenir, d’autres acteurs misent sur une offre plus légère, plus souple. C’est le cas de Taxirail, qui conçoit des navettes autonomes fonctionnant à l’hydrogène, et de la Société d’ingénierie, de construction et d’exploitation de la Ferromobile.

Alliée notamment à Alstom, Stellantis et Systra (filiale en ingénierie de la SNCF et de la RATP), cette start-up présidée par l’ancien ministre Arnaud Montebourg adapte une voiture électrique de série, le Peugeot Traveller (8 places, environ 50 000 € l’unité), pour lui permettre de rouler sur route et sur rails.

La SNCF mise sur des trains propres et innovants pour sauver les petites lignes

Ici, pas de conducteur professionnel mais un des usagers qui emprunte le véhicule, façon Autolib, puis prend en chemin d’autres passagers. « Une fois la voiture sur la voie, ce chauffeur devient un simple passager et la navette circule de façon automatisée », précise Arnaud Montebourg.

Une première ligne de 35 km devrait voir le jour fin 2024-début 2025 dans l’Aude ou les Pyrénées-Orientales. « 10 millions de personnes habitent à moins de 10 km d’une voie ferrée et pourraient bénéficier de la Ferromobile », s’enflamme l’ex-ministre de l’économie, qui y voit « un enjeu écologique et politique, une réponse aux gilets jaunes ». Les coûts d’exploitation seront, soutient-il, « trois fois moins élevés que ceux du TER, deux fois moindres que ceux des autocars ».

Réinventer le modèle économique des petites lignes

Le but commun à ces projets consiste à sortir les petites lignes d’un cercle vicieux résumé par François Meyer, délégué général de Fer de France, le porte-voix de la filière ferroviaire : « Des trains très peu remplis, une offre qui se réduit et attire moins d’usagers… » Engrenage qui a conduit à mettre le train sous perfusion, observe l’économiste Yves Crozet. « Chaque kilomètre parcouru déclenche 27 € de subventions, contre 10 € en Allemagne… »

Pour réinventer le modèle économique, la SNCF comme les start-up partent du principe que la légèreté des matériels (2 t, par exemple, pour une Ferromobile, contre 60 t pour un TER) permettra de réduire l’usure de la voie et d’en limiter la maintenance. Mais ces arguments laissent sceptique Éric Tassilly, vice-président de la Fédération des industries ferroviaires, auteur d’un rapport sur les petites lignes. « Beaucoup empruntent des ouvrages d’art. Va-t-on moins entretenir un tunnel ou un viaduc parce que le train est léger ? »

La SNCF mise sur des trains propres et innovants pour sauver les petites lignes

« Même s’ils offrent une utilisation plus souple des infrastructures et un meilleur cadencement, ces différents projets répondent à un marché de niche », temporise Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. « Ils peuvent apporter un pan de la solution, complémentaire au covoiturage et à des lignes d’autobus express autour des métropoles. » Une prudence que partage Yves Crozet : « Il serait illusoire d’imaginer rouvrir massivement des petites lignes. D’autant que certaines ont été transformées en pistes cyclables. »

Des petites lignes intégrées aux futurs RER métropolitains

Plus encore que des innovations, l’avenir des petites lignes dépendra des budgets qui leur seront réservés dans le cadre du plan ferroviaire annoncé par le gouvernement en février et qui prévoit 100 milliards d’euros d’investissement d’ici à 2040 pour régénérer et moderniser le réseau.

« La priorité ira notamment à des lignes qui relient des villes moyennes à une métropole, comme Épinal-Nancy et ses 6 500 voyageurs par jour, anticipe David Valence, député radical des Vosges et président du Conseil d’orientation des infrastructures. D’autres, desservant des communes de deuxième ou troisième couronnes, seront sans doute intégrées aux réseaux express métropolitains (ou RER métropolitains, NDLR) que l’exécutif entend développer. »

L’élu plaide pour « un examen au cas par cas du bénéfice écologique ». Dans la balance, il y a le remplacement des trains diesel, très présents sur les 9 000 kilomètres de petites lignes – rarement électrifiées – et qui consomment plus d’un litre de carburant au kilomètre.

Mais le ferroviaire – avec 1 déplacement sur 10 – ne représente déjà en France que 0,3 % des émissions de CO2, contre 16 % environ pour les véhicules particuliers. « Ce qu’il faut prendre en compte, c’est le potentiel réel de décarbonation : peut-on capter une fraction significative des gens qui, aujourd’hui, prennent la voiture ? À défaut, un système de cars peut s’avérer plus pertinent. »

Des trains à l’hydrogène en Occitanie dès 2024

« Faire choisir le rail suppose de proposer beaucoup d’allers-retours pour que les usagers n’aient pas peur de se retrouver coincés s’ils ratent leur train, avance Éric Tassilly. Il faut avoir le courage politique de mettre le paquet sur certaines lignes et de fermer les autres… Les exemples allemand et suisse montrent que cela paie. »

Le courage politique, pour Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, c’est aussi d’« expérimenter toutes les solutions » susceptibles de redonner une chance aux petites lignes. Terre d’accueil de la Ferromobile, sa région devrait aussi être « la première à voir rouler – dès l’été 2024, entre Montréjeau et Luchon (Haute-Garonne) – un train à hydrogène et électricité ».

En attendant, fin août 2022, sur la rive droite du Rhône, l’Occitanie a rouvert aux passagers la liaison entre Pont-Saint-Esprit (Gard) et Avignon, ligne réservée au fret pendant un demi-siècle. Temps de parcours : 30 minutes, contre 50 minutes en voiture. La fréquentation (250 personnes par jour pour cinq allers-retours) est modeste, au regard des 13 millions d’euros investis pour rénover les gares et sécuriser les passages à niveau.

Mais l’élue PS table sur « une montée en puissance », avec un prolongement jusqu’à Nîmes et, dès 2026, dix gares desservies (contre trois aujourd’hui), ainsi que des tarifs TER volontaristes (« trajets à 1 € maximum pour les salariés, gratuité pour les moins de 26 ans »). Carole Delga y croit : « Avec l’afflux estival de touristes, cette ligne atteindra rapidement les 200 000 voyageurs par an. »

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Des lignes en danger

Les petites lignes représentent environ un tiers du réseau ferroviaire français accueillant des voyageurs, soit 9 000 km sur un total de 28 000. Elles représentent 17 % du trafic de trains régionaux.

Elles sont très majoritairement à voie unique (78 %) et non électrifiées (85 %).

Leurs rails et voies sont âgés en moyenne de 40 ans.

Parmi les 200 petites lignes, la moyenne de fréquentation est inférieure à 30 voyageurs par train.

Le coût des TER (exploitation, investissement, etc.) – dont une partie emprunte les petites lignes – atteint les 8,5 milliards d’euros : 88 % sont couverts par des subventions publiques (3,9 milliards à la charge des régions et 2 milliards pour l’État).

Sources : ministère de la transition écologique ; Cour des comptes, 2019 ; rapport Spinetta, 2018.

CET ARTICLE A ETE COPIE SUR www.la-croix.com

Written by Mark Antoine

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